Une patiente demande à l’hôpital où elle a été soignée en dernier une copie de son dossier. Une démarche usuelle dans le système de santé actuel et que chacun a le droit de faire. Mais cette patiente n’a pas de chance – entretemps l’hôpital a fait faillite et l’administrateur judiciaire l’informe que son dossier est introuvable. Pour la patiente, c’est évidemment un problème: si son dossier devait ne pas réapparaître, cela signifierait une lacune importante dans l’historique de son parcours médical et un déficit d’information pour les clarifications et diagnostics à venir. Dans le pire des cas, cela peut entraîner des décisions erronées en cas de traitement, parce que des signaux d’alarme importants sont ignorés.

Au-delà du cas extrême, un problème de fond

Un hôpital insolvable est sans doute un cas particulier. Mais le problème de fond de cette patiente est un problème que trop de personnes en Suisse ne connaissent que trop bien:

Trop souvent, les patient-e-s doivent assumer eux-mêmes la coordination et la communication relative à leur traitement parce que le flux d’information entre les différents médecins et hôpitaux ne fonctionne pas.

Des patient-e-s nous rapportent régulièrement qu’ils doivent communiquer oralement ou par téléphone à leur médecin des informations importantes figurant dans leur dossier. Attendre des patients qu’ils soient toujours attentifs à leurs problèmes de santé et qu’ils soient en mesure de les décrire de manière précise en termes médicaux (ou qu’on leur laisse le soin de demander eux-mêmes leur dossier patient pour pouvoir le faire) ne peut pas être la bonne approche. On ne peut pas laisser aux patient-e-s l’intégralité de la gestion de leur santé, notamment parce qu’ils sont, en tant que patient-e-s, malades ou blessés. Pourquoi devraient-ils avoir la responsabilité d‘apporter, respectivement d’aller chercher les informations? Pourquoi les médecins n’ont-ils pas tout naturellement accès à ces informations, qui viennent pourtant de leurs collègues? Pour les malades chroniques surtout, cette recherche de données peut véritablement devenir un travail à temps partiel, agaçant, pénible et non rémunéré.

Cette situation déplorable résulte de l’absence de systèmes de documentation uniformisés dans le domaine de la santé. Les données sont saisies sous forme digitale ou analogique et de manière diverse, chaque hôpital, chaque cabinet et chaque EMS procède à sa façon. Ceci au détriment tant des patient-e-s que des professionnels. Sans plateforme d’information centralisée et accessible en tout temps, les uns comme les autres n’ont aucune chance d’obtenir rapidement et de manière fiable les données des patients. Pourtant les informations concernant des traitements antérieurs sont extrêmement importantes pour les professionnels, et il est parfaitement absurde que les patients n’aient pas accès à leurs propres données. De plus, il faut souvent beaucoup de temps avant que les dossiers patients soient remis – avec des médecins non coopérants cela peut prendre des années! – alors qu’un délai maximal de 30 jours est prescrit. Les patient-e-s se voient ainsi plus ou moins privés d’une base importante pour prendre des décisions médicales (entre autres pour obtenir un deuxième avis) ou pour clarifier d’éventuels conflits.

Le DEP résoudrait les problèmes pour les deux parties

De telles complications pourraient être évitées s’il existait un dossier électronique du patient (DEP). Ainsi, les professionnels en charge du traitement et les patient-e-s auraient en tout temps accès à l’ensemble des données et des diagnostics. Initialement, le DEP avait été annoncé pour début 2021. Mais la possibilité d’ouvrir un dossier électronique a été retardée – pour une durée indéterminée. Les organismes de certification officiels n’ont pas encore tous été reconnus par la Service d’accréditation suisse. On ne sait donc pas du tout quand les patient-e-s pourront ouvrir leur DEP.

Cette situation est insatisfaisante – tout comme la communication de la Confédération concernant la suite des démarches et le calendrier. Ces informations sont importantes afin de pouvoir planifier et mettre en place des offres d’accompagnement pour les personnes qui ne sont pas des „digital natives“ et qui auront besoin d’aide lors de l’ouverture du DEP. Il n’existe pas pour l’heure d’offre d’information accessible sur le quand et comment cela va continuer. Il existe uniquement un „service de notifcation“ qui renseigne automatiquement les personnes enregistrées sur le moment où le DEP sera disponible dans leur région.

https://www.patientendossier.ch/de/bevoelkerung/epd-eroeffnen

La coexistence de nombreux systèmes de documentation et le manque d’accès à ses propres données représentent une situation inacceptable pour les patient-e-s. l’OSP demande que cette question soit maintenant empoignée énergiquement. Une mise en oeuvre rapide du DEP, et surtout d’utilisation facile pour le patient, est importante et urgente – et tant que ce n’est pas prêt, une culture de communication appropriée et transparente est requise.